Managing Covid-19

Vigilance sur l’impact des ordonnances Covid-19 sur les contrats informatiques en cours

Publié le 17th Apr 2020

Le Gouvernement français vient d’adopter le 15 avril 2020 l’Ordonnance n°2020-427 modifiant l’Ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Ces mesures sont de nature à impacter directement les contrats informatiques en cours, notamment en termes d’exécution des prestations et plus particulièrement de respect des délais ou d’engagement des pénalités.

Même si la poursuite de l’exécution de ces contrats est possible et souhaitée par les parties, qui dans ce cas, reflétant une majorité des situations pratiques, ne chercheront pas à s’exonérer de leurs obligations sur le fondement de la Force Majeure ou de l’imprévision dans ce contexte de pandémie, il convient donc de ne pas se laisser surprendre par le nouveau cadre de cette exécution.

Si l’approche doit être réalisée in concreto selon la typologie des contrats IT (contrat Saas, contrat d’infogérance, contrat de prestation IT en méthode Agile ou cycle en V, contrat d’hébergement etc.) et au regard de la phase contractuelle (en phase Build ou en phase de Run), il est utile de faire le point sur le calendrier et les pénalités prévus au contrat en tenant compte des éléments ci-dessous.

Suspension des délais encourus en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle conformément au calendrier contractuel

L’article 4 alinéa 1 reste inchangé sur le principe et précise que les astreintes, clauses pénales et clauses résolutoires et les clauses prévoyant une déchéance ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation contractuelle dans un délai déterminé sont suspendues si ce délai expire entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 juin. Pour rappel, la Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 déclare l’état d’urgence pour une durée de deux mois. Cette loi étant entrée en vigueur le 24 mars, la date de cessation de l’état d’urgence est donc à ce jour le 24 mai 2020. Cette date peut néanmoins évoluer en fonction de l’état de la crise sanitaire.

L’article 4 alinéa 2 et 3 pose en revanche deux hypothèses modulant les effets.

D’une part, les astreintes et clauses précédemment citées produisant leurs effets entre le 12 mars 2020 et le 24 juin sont suspendues et leurs effets sont reportés d’une durée égale à la durée écoulée entre le 12 mars (ou la date à laquelle l’obligation est née, si celle-ci est plus tardive) et la date à laquelle elle aurait dû être exécutée, sauf si le cocontractant s’est exécuté avant. Le principe d’un forfait d’un mois posé par la précédente ordonnance est donc supprimé et la durée de report potentiellement allongée.

D’autre part, les astreintes et clauses ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation autre que de sommes d’argent produisant leurs effets dans un délai déterminé expirant après le 24 juin 2020 voient leurs effets reportés d’une durée égale à la durée écoulée entre le 12 mars 2020 (ou la date à laquelle l’obligation est née, si celle-ci est plus tardive) et le 24 juin 2020.

L’article 4 alinéa 4 précise de manière inchangée que le cours des astreintes et application des clauses pénales ayant pris effet avant le 12 mars sont suspendus entre le 12 mars et le 24 juin 2020.

Toutefois, le Rapport au Président de la République relatif à cette Ordonnance prévoit que « Les parties au contrat restent libres d'écarter l'application de cet article par des clauses expresses notamment si elles décident de prendre en compte différemment l'impact de la crise sanitaire sur les conditions d'exécution du contrat. Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article ».

Par exemple, un contrat de prestations de service IT visant au développement d’une solution informatique prévoit au titre des obligations du prestataire pendant la phase Build la livraison de lots selon un calendrier impératif ainsi que des pénalités par jour de retard en cas de non-respect. Si le télétravail permet de réaliser la majorité des développements informatiques à distance, il n’en résulte pas moins que la situation impacte l’organisation du travail (i.e. disponibilité des interlocuteurs privilégiées, des équipes ou des sous-traitants). Sur cet aspect, nous vous renvoyons à notre précédent article sur les bonnes pratiques en matière de cybersécurité.

Le calendrier contractuel peut donc être impacté. Plusieurs hypothèses sont alors à distinguer :

  • Si l’échéance d’une obligation née avant le 12 mars était prévue le 30 mars (soit 18 jours après la date du 12 mars), alors le client ne pourra appliquer les pénalités de retard au prestataire entre le 30 mars 2020 et le 12 juillet 2020 (soit 18 jours après le 24 juin). En revanche, si au 13 juillet, le prestataire ne s’est toujours pas exécuté, les pénalités de retard commenceront à courir ;
  • Si l’échéance d’une obligation née le 20 mars était prévue le 30 mars (soit 10 jours après la date du 20 mars), alors le client ne pourra appliquer les pénalités de retard au prestataire entre le 30 mars 2020 et le 4 juillet 2020 ;
  • Les pénalités de retard ayant pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendues jusqu’au 24 juin 2020 et commenceront à courir passé ce délai.

Il est cependant précisé qu’il ne s’agit ici que d’un moratoire sur les sanctions en cas de non-respect du calendrier contractuel et non sur l’exécution des obligations contractuelles des parties (i.e. obligation de paiement du débiteur - sous réserve bien entendu de l’exception d’inexécution). Comme le précise le Rapport au Président : « l'ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée ; elle permet simplement de considérer comme n'étant pas tardif l'acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti. ».

Il en découle que les pénalités prévues en cas de non-respect d’indicateurs, de disponibilité ou de performance (Service Level Agreement ou SLA) ne sont a priori pas suspendues pendant cette période ; néanmoins, il est recommandé de procéder à une analyse au cas par cas.

Prolongation des préavis de résiliation et des délais pour le renouvellement 

L’article 5 reste inchangé et prévoit que les préavis de résiliation et des délais pour le renouvellement devant expirer entre le 12 mars et le 24 juin 2020 sont prolongés jusqu’au 24 août 2020.

Par exemple, un contrat d’hébergement renouvelable chaque année au 30 mai prévoit qu’il peut être dénoncé dans les trois mois précédents cette date. Cette période expire entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 et sera donc prolongée pour une période de deux mois à compter du 24 juin 2020, c’est-à-dire jusqu’au 24 août 2020.

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Ainsi, dans le contexte actuel de prolongation des mesures d’urgence sanitaire, un nombre significatif de contrats en cours vont être impactés nécessitant une vigilance accrue sur la mise en œuvre des calendriers et pénalités convenus afin de prendre en compte les ajustements résultant de cette règlementation d‘exception ou d’y renoncer ce qui nécessitera cependant un accord exprès de l’ensemble des parties.

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* This article is current as of the date of its publication and does not necessarily reflect the present state of the law or relevant regulation.

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