Quel impact des systèmes de notations sur la concurrence ?
Publié le 20th Jan 2025
Le 9 janvier 2025, l’Autorité de la Concurrence a rendu l’Avis 25-A-01 relatif aux systèmes de notation visant à informer les consommateurs sur les caractéristiques liées au développement durable des produits et des services de consommation. Cet avis ne remet pas en cause l’application des règles de concurrence telles qu’on les connaît, mais apporte des précisions utiles concernant les risques que comportent ces systèmes de notation par rapport aux règles de concurrence. Car de prime abord, l’incidence des règles de concurrence sur ces systèmes de notation ne va pas de soi. Et pourtant…
Qu’est-ce qu’un système de notation ?
Les systèmes de notation sont des outils d'évaluation et de classement des produits ou services reposant sur des critères spécifiques tels que la qualité, la performance, la durabilité ou encore l'impact environnemental. Ils concernent une large majorité de secteurs et sont matérialisés par des chiffres, des formes, des couleurs ou des lettres.
A l’échelle nationale, des dispositions législatives et réglementaires imposent des obligations d’affichage pour certaines catégories de produits. Par exemple, depuis 2018 , une étiquette énergie est obligatoire sur les produits électroménagers et, depuis la loi AGEC , entrée en vigueur en 2021, un indice de réparabilité (remplacé indice de durabilité en 2025 pour lave-linges ménagers et les téléviseurs). Par ailleurs, depuis les lois dites « Grenelle » de 2009 et 2010 , un affichage environnemental a été créé afin de sensibiliser les consommateurs aux impacts environnementaux des produits et services qu’ils achètent. Un dispositif a été mis en place afin d’élaborer cet affichage dans le secteur du textile et de l’alimentation.
A l’échelle européenne, une proposition de directive européenne du 17 juin 2024 relative à la justification et à la communication des allégations environnementales explicites, dite « directive Green claims » vise, d’une part, à répondre aux préoccupations des entreprises liées à diversité des systèmes de notation, source de coûts et de contraintes logistiques, et d’autre part, à encadrer les allégations environnementales et les labels environnementaux utilisés volontairement par les entreprises.
Le développement durable, un paramètre de concurrence
Depuis quelques années, les considérations liées au développement durable, telles que le bien-être animal, la protection de la santé humaine ou de l’environnement figurent parmi les critères d’achat des consommateurs, au même titre que le prix, la qualité ou l’innovation. Les entreprises investissent de plus en plus dans ces systèmes et la durabilité des produits ou encore les allégations « d’être écologique », sont devenues des paramètres de concurrence, que les autorités de concurrence prennent en compte lors de l’examen concurrentiel des pratiques.
Les conditions de création favorables au fonctionnement concurrentiel
L’élaboration d’un système de notation peut présenter des risques concurrentiels, à la fois pour le choix et les critères de notation, que pour le rôle qu’ils jouent sur les comportements de marché. Ainsi, l’Autorité estime que le respect de certaines conditions permet de s’assurer de leur fonctionnement concurrentiel.
- Transparence des systèmes de notation ;
- Robustesse des modes de calcul ;
- Objectivité des critères ;
- Indépendance des acteurs dans le processus de construction du système.
On notera que pour de la construction d’un système de notation, l’Autorité attire l’attention sur le fait que les discussions entre concurrents peuvent porter sur des sujets sensibles au regard du droit de la concurrence, tels que le prix, la qualité, les mécanismes d’approvisionnements, de production ou de distribution des produits. Le partage de ces informations pourrait être problématique, s’il diminue l’incertitude sur le marché et facilite la coordination des comportements des entreprises.
De même, la représentativité des parties prenantes constitue un élément primordial compte tenu des enjeux que présentent les choix des critères et leur pondération. Par conséquent, l’Autorité attire l’attention sur l’importance d’une représentation effective des acteurs économiques (les entreprises et les associations de consommateurs) et des filières concernées, au risque sinon que les informations générées soient potentiellement considérées comme trompeuses pour les consommateurs et que le système de notation perde sa fonction initiale d’information par les mérites.
Les points de vigilance lors de la mise en œuvre des systèmes de notation
Les acteurs sont appelés à la vigilance lors de la mise en œuvre des systèmes de notation en ce qui concerne :
- L’accès aux bases de données et aux intrants ;
- Les éventuelles pratiques de dénigrement ;
- Les éventuelles pratiques de lobbying ;
- La communication sélective des notes;
- L’imposition d’un système de notation à un partenaire commercial.
En conclusion, les systèmes de notation, par les informations qu’ils apportent, sont « des éléments d’animation du jeu concurrentiel ». Les acteurs doivent donc veiller à ce qu’ils reposent sur des éléments robustes et que leur élaboration et leur mise en œuvre ne contreviennent pas aux règles de concurrence.