Aperçu de la loi portant création d’une taxe sur les services numériques
Publié le 12th Jul 2019
La loi portant création d’une taxe sur les services numériques a été définitivement adoptée par le Parlement le 11 juillet 2019.
Face à l'urgence et sans attendre la conclusion des discussions au niveau européen, la loi vise précisément à faire appel aux sociétés exploitant les données provenant de la participation active d'utilisateurs d'Internet situés en France en introduisant une taxe sur les revenus de certains services numériques.
La taxe sera temporaire, puisqu'elle ne s'appliquera que de manière transitoire, jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée au niveau de l'OCDE (même si le texte lui-même ne contient aucune indication formelle en ce sens). En effet, la France collabore activement avec tous ses partenaires de l’OCDE pour faciliter la mise au point d’une solution internationale permettant d’adapter les règles relatives à l’impôt sur les sociétés aux nouveaux défis du numérique.
Les plus grandes entreprises ou groupes d'entreprises ayant une empreinte numérique de premier plan aux niveaux mondial et national seront impliqués. La France sera ainsi l'un des premiers États à proposer à ces entreprises une gamme de services aussi large et selon un principe original de rattachement territorial.
Seules les grandes entreprises du secteur numérique ou les entreprises appartenant à de grands groupes ayant une activité numérique significative au niveau français et au niveau mondial sont directement affectées. Selon l'étude d'impact du projet de loi, une trentaine de groupes d'entreprises susceptibles d'être soumis à la taxe a été identifiée. Des groupes comprenant des entreprises françaises, européennes et non européennes. Compte tenu de la structure oligopolistique des marchés des services taxés, l’essentiel du rendement prévisible est concentré sur un petit nombre de groupes qui captent globalement l’essentiel de la valeur créée.
Champ d’application
La loi prévoit que les services taxables sont les suivants:
- Services d'intermédiation numérique
Ces services consistent en la fourniture d’une interface numérique via des communications électroniques qui permettent aux utilisateurs d’interagir avec d’autres utilisateurs, notamment à des fins de livraison de biens ou de fourniture de services directement entre ces utilisateurs.
- Ciblage publicitaire et revente de données à caractère personnel à des fins publicitaires
C’est-à-dire des services commercialisés auprès des annonceurs ou de leurs agents, leur permettant d’acheter des espaces publicitaires sur une interface numérique accessible via des communications électroniques pour placer une publicité ciblée à partir de données provenant d’utilisateurs de cette interface (notamment achat, stockage et diffusion de publicité, services de contrôle de la publicité et de mesure de la performance, ainsi que services de gestion et de transmission de données concernant les utilisateurs).
Les services dont l'objectif premier n'est pas de mettre en relation les utilisateurs ne sont pas concernés par la taxe. Certains services sont donc exclus du champ d'application de la nouvelle taxe:
- Les prestations de services intragroupes (une taxation en chaîne en résulterait);
- La vente directe de biens et services y compris de contenus numériques
- La fourniture directe de contenus numériques (vidéos, audios, applications, logiciels, jeux);
- La fourniture de services de stockage de données en ligne;
- Les services de publicité en ligne non ciblée;
- Les activités financières régulées;
- Les services de communication ou les services de paiement;
- La vente de données non recueillies par internet ou vendues à des fins autres que publicitaires.
Territorialité
Seuls les services réputés fournis en France seront taxables. Essentiellement, un service sera considéré comme fourni en France si l'un des utilisateurs est situé en France (par exemple s'il utilise une interface via un terminal situé en France).
- Les services d'intermédiation sont considérés comme fournis en France lorsqu'un des utilisateurs concluant une opération est situé en France ou, en l'absence d'opération, lorsqu'un des utilisateurs dispose d'un compte ouvert en France et lui permettant accéder à ces services.
- Les services de ciblage publicitaire sont considérés comme fournis en France lorsque l'interface numérique affichant les publicités ciblées est visualisée depuis la France. En ce qui concerne la vente de données à des fins publicitaires, on considère qu’elles ont été fournies en France lorsque ces données ont été générées par un utilisateur français.
La part de ces services fournie en France soumise à taxation s’obtient en appliquant au montant des sommes reçues un coefficient représentatif des utilisateurs situés en France par rapport au nombre total d’utilisateurs.
Calcul de la taxe
Le taux de la nouvelle taxe est de 3%.
La loi prévoit deux seuils: seules les sociétés dont le chiffre d’affaires (au niveau du groupe consolidé et mondial) dépasse 750 millions d’euros pour ce type de services sont incluses dans le champ d’application de la taxe. Toutefois, les entreprises qui fournissent moins de 25 millions d'euros de services taxables en France sont exclues.
La loi prévoit également que la taxe est basée sur le montant, hors taxe, des sommes reçues en échange de la fourniture de services taxables en France. Ces sommes comprennent notamment les commissions et abonnements reçus par les plates-formes d'intermédiation de leurs utilisateurs ou les revenus perçus auprès des annonceurs pour des services de publicité. De plus, l'assiette taxable est indépendante du mode de rémunération du service.
Le rendement de la taxe sur les services numériques devrait être le suivant:
2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
400M€ | 450M€ | 550M€ | 650M€ |
Déclaration
Enfin, la loi prévoit des procédures de déclaration, de collecte et de contrôle fondées sur celles applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. Les sociétés appartenant à un groupe auront la possibilité d'opter pour un système de paiement déclaratif et centralisé au niveau d'un seul assujetti.
Il est également envisagé que l'administration fiscale puisse demander des informations à un contribuable et, le cas échéant, le mettre en demeure de produire les éléments demandés. En cas d'absence de réponse ou de réponse insuffisante, l'administration pourra établir automatiquement la taxe.
L'impact sur les consommateurs
Une répercussion du coût de la taxe sur les consommateurs est envisageable. Néanmoins celle-ci sera différente en fonction du service qui sera fourni.
- Services d'intermédiation numérique:
- Vente de biens : le consommateur supporterait en définitive 45% du coût de la taxe;
- Fournitures de services : le consommateur supporterait en définitive 54% du coût de la taxe;
- Ciblage publicitaire et revente de données à caractère personnel à des fins publicitaires: le consommateur supporterait 77% du coût de la taxe
L'introduction de la taxe aura donc un impact indirect sur les prix à la consommation.
Cette taxe sera applicable à partir du 1er janvier 2019 et un acompte devrait être versé à partir d'octobre 2019 sur la base des résultats de 2018.