L’Autorité de la concurrence sanctionne les thés Mariage Frères pour entrave à la liberté commerciale de ses distributeurs dans le cadre d’une entente
Publié le 15th Dec 2023
A la suite d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’ « Autorité ») s’est saisie d’office des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés de luxe. Après examen, l’Autorité a infligé à l’un des principaux producteurs de thé haut de gamme en France, le groupe Mariage Frères, une sanction de 4 millions d’euros pour avoir, durant près de 15 ans, entravé la liberté commerciale de ses distributeurs.
La sanction se fonde sur l’interdiction par Mariage Frères, d’une part, de vendre en ligne les produits de sa marque, et, d’autre part, de revendre ses produits à d’autres revendeurs. Sans grande surprise, l’Autorité juge ces pratiques constitutives d’une entente, limitant la concurrence intra-marque et cloisonnant les marchés.
Alors pourquoi cette décision est-elle intéressante ?
Rappel de l’interdiction des restrictions aux ventes en ligne
D’abord parce qu’elle rappelle que l’interdiction faite aux revendeurs de revendre en ligne est une restriction de concurrence.
Le fournisseur, en l’espèce Mariage Frères, ne pouvait donc pas se réserver les ventes en ligne. Il est utile de préciser que Mariage Frères avait fini par modifier ses conditions générales de vente pour autoriser les ventes en ligne de ses revendeurs sous réserve d’obtenir une autorisation préalable matérialisée par la conclusion d’un contrat distinct. Cependant, l’Autorité a constaté, qu’en réalité, Mariage Frères n’avait pas conclu de contrat distinct dédié à la vente en ligne, alors que certains de ses distributeurs en avaient fait la demande. Ainsi, l’Autorité a considéré que l’interdiction n’avait pas été levée.
Toutefois, ce n’est pas parce que l’autorisation de revendre en ligne ne se matérialise pas par un contrat que l’on peut nécessairement en déduire une pratique anticoncurrentielle. En effet, les distributeurs peuvent librement choisir de ne pas revendre en ligne.
Enfin, l’Autorité a rejeté l’argument de Mariage Frères sur le caractère nécessaire et proportionné de la restriction de vente en ligne pour préserver l’image de prestige de ses produits, en réaffirmant qu’un tel objectif peut être légalement atteint en imposant des critères qualitatifs spécifiques que les sites de vente en ligne des distributeurs doivent respecter.
Rappel de l’interdiction des reventes entre revendeurs
L’Autorité relève que la clause interdisant aux distributeurs la vente en gros a pour objet d’empêcher l’approvisionnement de produits Mariage Frères entre distributeurs et ainsi octroyer à Mariage Frères une exclusivité sur la vente en gros.
Dans la mesure où Mariage Frères n’exerçait pas son activité dans le cadre d’un système de distribution sélective ou exclusive, l’Autorité a donc qualifié la restriction de caractérisée.
Que peut-on déduire d’autre de cette décision ?
Outre les rappels ci-dessus, la décision de l’Autorité nous conduit à rappeler que les seules restrictions verticales autorisées sont celles qui résultent de la distribution sélective ou exclusive. Si le réseau de distribution de Mariage Frères avait été bâti dans ce cadre juridique précis, il y a fort à parier que les pratiques en cause n’auraient pas été perçues de la même façon par l’Autorité.
Le droit de la concurrence n’est donc pas que source de complexité ou de sanctions. Il est aussi source d’opportunités. Mais encore faut-il s’en saisir.