Faux « Birkin » : pris la main dans le sac !
Publié le 11th May 2021
Vingt-trois personnes, dont neuf anciens salariés du groupe de luxe français Hermès, ont été condamnées le 24 février 2021 par le Tribunal correctionnel de Paris pour leur implication dans un réseau de contrefaçons de sacs « Birkin ».
Le « Birkin » d’Hermès, un sac iconique
Le « Birkin » a été imaginé en 1984 par Jean-Louis Dumas (gérant d’Hermès pendant près de 30 ans) lors d'un vol Paris-Londres au cours duquel Jane Birkin, assise à ses côtés, déplorait ne pas trouver de sac adapté à ses besoins de jeune mère.
Le « Birkin », un « fourre-tout, de forme rectangulaire, souple et spacieux, doté d’une cale astiquée et de coutures sellier » - soit un sac à la fois élégant et pratique - était né (1).
Produit chaque année en quantité très limitée, le « Birkin » - indéniablement le modèle phare (et le plus rentable) d’Hermès - peut voir son prix atteindre plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros en fonction des matières utilisées. Hermès a donc toujours porté une attention particulière à la protection de ses droits sur ce sac iconique.
Une enquête pénale internationale et efficace
Les faits remontent à 2011, quand Hermès International et Hermès Sellier ont déposé plainte après la découverte de sacs « Birkin » contrefaits.
L'enquête diligentée a alors permis de démontrer que, entre 2008 et 2012, les prévenus, pour l’essentiel des anciens salariés d’Hermès, auraient écoulé près de 400 sacs contrefaits, produits grâce à des ateliers clandestins en France et à Hong-Kong, et auraient également revendu 800 sacs tirés du système de « bon du personnel » (qui autorise un salarié à fabriquer un sac pour son compte, mais pas à le revendre).
Les peines prononcées – particulièrement sévères et rares s’agissant de contrefaçon – vont au-delà des réquisitions du parquet : jusqu'à six ans de prison ferme et 1,5 million d'euros d'amende pour le « cerveau » du réseau (contre lequel un mandat d’arrêt a même été prononcé), outre 10,4 millions de dommages et intérêts au titre des préjudices matériel et moral.
Ces condamnations sont d’autant plus remarquables que la voie pénale est rarement usitée en matière de contrefaçon.
La voie pénale, souvent négligée en matière de contrefaçon
L’action en contrefaçon, traditionnellement portée devant le juge civil, peut également l’être devant le juge pénal, la violation d’un droit de propriété intellectuelle constituant aussi un délit (2).
Si l'objectif premier de l’action pénale est de sanctionner le contrefacteur et de rétablir l'ordre public, la victime de contrefaçon peut aussi se constituer partie civile afin d’être indemnisée (ce qu’Hermès avait fait en l’espèce).
Mais les inconvénient propres au procès pénal (durée de la procédure, non-spécialisation des magistrats qui voient souvent dans la contrefaçon une affaire purement privée, faibles condamnations pécuniaires, etc.) amènent le plus souvent les justiciables à négliger la voie pénale, sauf en cas de réseaux mafieux organisés ou de contrefaçon de médicaments par exemple (3).
Pourtant, celle-ci peut, à bien des égards, se révéler très efficace pour mettre à bas un réseau criminel (peines de prisons, bien sûr, mais aussi sanctions complémentaires comme la dissolution de l’entreprise concernée, l’interdiction de gérer de son dirigeant, prise en compte de la récidive dans l’échelle des sanctions, etc.). Elle présente aussi l’avantage du recours aux saisies pénales (comptes bancaires à l’étranger, saisies des produits…) lorsque les prévenus sont apparemment sans ressource.
En outre, pour favoriser la lutte contre la contrefaçon, la prescription de l’action pénale en la matière est récemment passée de 3 à 6 ans. Enfin, les liens entre contrefaçon et crime organisé (notamment le financement du terrorisme) sont régulièrement dénoncés par des organisations telles que l’OCDE ou l’UNIFAB (4). En cas de contrefaçon, l’action pénale peut donc avoir une importance capitale, et une efficacité remarquable.
La lutte contre la contrefaçon, une priorité pour la douane
Face à l’importance prise par la contrefaçon, notamment pendant la crise du Covid-19 (5), Olivier Dussopt, ministre délégué aux Comptes publics, a d’ailleurs annoncé récemment le lancement d'un plan de lutte contre les contrefaçons (6), qui se décline en quatre objectifs pour 2021-2022 :
- mieux coopérer avec tous les acteurs de la lutte contre la contrefaçon ;
- renforcer la collecte et le traitement du renseignement ;
- intensifier la politique de contrôle et d’enquête ;
- adapter la politique contentieuse et les poursuites aux enjeux stratégiques dont la responsabilisation des titulaires de droits.
Il apparaît donc plus important que jamais que les entreprises victimes de contrefaçon récurrente sollicitent les douanes via une « demande d’intervention », procédure simple et peu coûteuse, permettant aux douanes de faire le lien directement avec les titulaires de droit en cas de contrefaçon, et d’agir rapidement et concrètement pour, par exemple, détruire les produits saisis aux frontières. Plus généralement, les douanes peuvent se révéler un allié puissant, celles-ci bénéficiant de prérogatives importantes pour remonter les filières, et faisant preuve d’une réelle efficacité dans leur intervention.
Notre cabinet dispose à la fois d’une expertise et d’une expérience de premier plan du droit pénal et douanier de la contrefaçon. Notre équipe se tient donc à votre disposition pour toute question sur ces sujets.
Détruire ses invendus pour empêcher la contrefaçon ? Une pratique bientôt hors-la-loi
Ce renforcement de la lutte anti-contrefaçon par les autorités paraît d’autant plus opportun que les ayants-droit vont prochainement perdre le bénéfice d’une pratique employée jusque-là dans le même but, en particulier par les maisons de luxe.
Celles-ci, ne faisant traditionnellement pas de solde ni de déstockage, tendent en effet à détruire leurs stocks d’invendus en fin de saison, afin que ceux-ci ne soient pas revendus par des réseaux parallèles. En 2018, la société Burberry avait notamment été vivement critiquée pour avoir détruit plus de 30 millions d’euros de produits.
Or, cette pratique est amenée à disparaître en France puisqu’à compter de 2022, les producteurs, importateurs et distributeurs de produits non alimentaires neufs auront l'interdiction d'éliminer leurs invendus (7).
Ainsi, pour concilier les objectifs de respect de l’environnement et de lutte anti-contrefaçon, le législateur a fait le choix d’optimiser la chasse au « faux », plutôt que permettre une raréfaction artificielle du « vrai ».
Le cabinet Osborne Clarke a d’ailleurs placé en 2020 la protection de l’environnement - notamment la « décarbonation » de l’économie - au cœur de ses préoccupations. Pour plus de renseignements sur notre stratégie environnementale, vous pouvez consulter notre site internet.
Écrit avec l’aide précieuse de Claire Boosz, élève avocate